Éditorial
Alors pourquoi nous battons-nous ?
Au moment où on lui demandait de couper dans le budget des arts pour financer l’effort de guerre, Winston Churchill déclarait : « Alors pourquoi nous battons-nous ? »
Même si cette citation relève peut-être de la légende, la punchline nous parle : tandis que la crise sanitaire a laissé la place à la guerre et à la crise énergétique, et que les angoisses climatiques occupent le devant de la scène, le festival Voix et Route Romane – comme tous les événements artistiques – questionne la place de la culture dans le modèle social que nous désirons. Cette année, la programmation du festival médiéval en Grand Est, le dernier en France à se consacrer exclusivement au Moyen Âge, s’axe autour des récits, ces petites histoires qui constituent notre Histoire collective. Questionner l’histoire, c’est constater que la culture, loin de constituer le ferment de ce qui nous distingue des autres et de susciter un repli sur soi, revêt une diversité infinie de formes et de pratiques, nous appelle à la curiosité, à l’ouverture et au respect d’autrui.
L’ouverture s’incarne profondément dans cette nouvelle édition, et la programmation de concerts est accompagnée d’une myriade d’événements destinés aux plus nombreux : visites guidées, ateliers de pratique artistique, rencontres entre public et artistes, répétitions publiques, concerts dédiés aux jeunes, et même un stage de chant grégorien ! L’ouverture est aussi géographique : si le festival a pour vocation initiale d’animer les haut-lieux de l’art roman en Alsace, il dépasse cette année ses frontières en faisant halte à l’abbaye d’Étival-Clairefontaine dans les Vosges, dans le cadre d’un partenariat avec le festival des Abbayes en Lorraine – autre événement d’ampleur soutenu par la Région Grand Est, et en Rhénanie Palatinat pour un concert commun avec le festival Via Mediæval.
Laissez-vous embarquer dans cette fête joyeuse qui nous replonge dans nos premières années de vie, quand les histoires racontées par nos parents s’alliaient au biberon pour nous inviter à grandir. Il était une fois… pardon, une voix ! Et puisse celle-ci nous ouvrir de nouvelles voies !
Franck Leroy,
Président du Grand Est
Il était une voix… De récit en récit
L’an passé, nous avions placé le festival sous la thématique « Guerre et germes de paix ». L’intention était certes louable vu le contexte de l’époque, mais, malheureusement, la paix ne connut que peu de réalisations dans le monde, même si des germes ont effectivement éclaté ici ou là.
Cette année, sans abandonner ces perspectives indispensables pour la communauté humaine, notre démarche s’articule sur le récit, le conte, la narration et la déambulation dans un vaste espace à la fois géographique et historique. C’est une autre mais précieuse et féconde manière d’aborder les questions du temps.
Les différents ensembles invités, déjà connus et appréciés par nous ou nouveaux dans notre programmation, nous feront en effet voyager dans l’espace et le temps, en privilégiant cet outil incontournable qu’est la narration.
Mais au-delà des nombreux et passionnants travaux actuels sur la narrativité, c’est par l’art, et singulièrement par la musique, instrumentale et chantée, que nous serons touchés et, je n’en doute pas, à la fois émerveillés et interrogés.
Par ailleurs, le festival lui-même se déplacera en des lieux nouveaux tels qu’Étival-Clairefontaine, ou encore peu connus parce qu’excentrés par rapport à Strasbourg, comme Feldbach. Mais les amateurs de musique médiévale et d’art roman que vous êtes sauront se mettre en route pour laisser de nouvelles pierres résonner au son des neumes et des polyphonies primitives.
Tout à la joie de vous revoir bientôt, je vous souhaite un excellent festival 2023 !
François Geissler,
Président de « Voix et Route Romane »